Le Parc national de Serra da Capivara (Brésil), patrimoine de l’UNESCO : Les premiers peuplements humains de l’Amérique
par Evelyne Peyre
La Mission archéologique internationale du Piauí et la Fundaçao Museu Do Homem Americano mènent depuis trente ans des recherches dans l’Etat du Piauí au Brésil, suite à l’identification par Niède Guidon d’un art pariétal préhistorique dans le Parque Nacional de Serra da Capivara. Ce massif gréseux protège dans ses canyons un millier de sites abritant peintures, gravures, structures et artefacts du Paléolithique qui témoignent d’une humanité pléistocène. Le plus célèbre abri, Pedra Furada, constitue désormais une référence fondamentale pour la préhistoire d’Amérique suite à la découverte d’une industrie lithique attestée dès 50 000 ans, des foyers aménagés dès 32 000 ans et des peintures dès 17 000 ans. Dans la plaine cernant ce massif accidenté émergent des grottes qui recélaient des ossements d’humains très anciens pour l’Amérique et souvent associés à une faune du Pléisto-Holocène. Ces gisements (Antonião, Garrincho, Santa, Confusões et Enoque) ont livré des adultes, adolescents et enfants datés de 20 000 à 6 000 ans. J’ai mené l’analyse de ces fossiles en collaboration avec le paléo-odontologue Jean Granat. Elle offre des résultats d’ordre morphologique mais aussi d’ordre physiologique grâce à la présence d’enfants en cours de maturation dentaire.
Ces découvertes prouvent la présence de Homo sapiens dans cette région du Brésil depuis au moins 20 000 ans et durant les 14 000 ans suivants. Découverts à proximité de la Capivara, ils sont sympatriques des plus anciennes preuves culturelles américaines de Pedra Furada. Les données archéologiques et paléoanthropologiques recueillies dans cette région du Brésil, associées à la reconstruction du paléoenvironnement permise par la faune et les peintures, témoignent d’une histoire de la conquête de l’Amérique plus précoce que ne le suggère la théorie classique d’un premier peuplement par la Béringie vers le Nouveau Mexique il y a 12 000 ans. Nous posons l’hypothèse qu’une population humaine aurait occupé ce territoire du Piaui puis aurait évolué sur place. Elle aurait sélectionné, selon le temps et l’environnement, des traits génétiques dentaires originaux et des adaptations liées à l’alimentation. L’existence partagée de traits génétiques ou adaptatifs par ces fossiles entre 20 000 et 6 000 ans évoque un groupe humain ayant vécu en isolat dans cette région et, pourquoi pas, un groupe émigré de l’Est (Europe-Afrique ?) qui se serait installé depuis la Pedra Furada (outillage lithique), il y a 50 000 ans ?